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DU MORDOR AUX HOMMES EN NOIR


Dix-huit ! Un nouveau record est établi. Ca fait maintenant dix-huit matchs que les All Blacks n’ont pas perdus. Difficile de dire si la Nouvelle Zélande est réellement le pays du rugby tant les phases finales du NPC, le championnat local, semblent désintéresser tout le monde. En revanche les All Blacks y sont adulés comme des dieux vivants. Chacun de leurs matchs est l’objet de toutes les attentions. Et même exilés de l’autre coté du globe leurs faits et gestes sont épiés, surveillés, analysés par tous les commentateurs du pays. Quand Dan Carter est suspecté d’une consommation de produits illicites avant la finale du Top 14 (remportée par son équipe), chacun y va de sa petite analyse. - “Il a fait ça pour protéger Arron Smith. Grâce à lui on a arrêté de parler de son problème et on a pu laisser le demi de mêlée tranquille.” Les jours de match à Auckland l’ambiance est particulière. Tout le monde est habillé en noir. Dans les rues de rares maillots jaunes, aux couleurs de l’Australie, profitent de l’après-midi (pour une fois ensoleillée) pour flâner un peu. Plus on s’approche du stade plus la fréquentation des bars se fait dense. A tel point que 3 heures avant le coup d’envoi impossible de passer la porte de n’importe quel pub pour boire une simple bière. Qu’à cela ne tienne, en lever de rideau les black fern, l’alter ego féminin des all blacks, étrillent une pâle équipe d’Australie. Dans le stade le soleil encore présent réchauffe les quelques supporteurs venus encourager les Néo Zélandaises. Petit à petit l’ambiance commence à monter. A l’entrée, un homme, mégaphone à la main, répète à qui veut l’entendre que ce soir les All Blacks peuvent entrer dans l’histoire de ce sport (si tant est que la porte ne leur était pas déjà grande ouverte) en alignant une 18e victoire consécutive.




A mesure que le soleil décroît, l’ambiance augmente. Vingt minutes avant le coup d’envoi l’Eden Parc est plein à craquer et ce sont 50 000 T-shirts noirs qui reprennent en coeur l’hymne Néo Zélandais juste avant le Haka. Pour ne pas faire trop touriste, Jennifer essaie elle aussi de balbutier les paroles dans un maori plus qu’hésitant, provoquant ainsi l’ire de ses voisins ! Comme un seul homme, le stade se tait soudain pour laisser place au Haka. Quelques secondes d’incertitudes avant de savoir quelle danse les joueurs auront réservée aux Australiens ce soir. Un tonnerre d’applaudissements quand le public comprend qu’il s’agit du « Kapa o Pango », la version la plus guerrière. Maintenant le Haka n’a plus de secret pour Jennifer et Vincent. Après la visite du musée de Te Papa à Wellington ils savent tout de ce rite maori. Le match peut commencer. En peu de temps les All Blacks imposent leur rythme et inscrivent rapidement deux essais. Puis semblent s’endormir un peu, laissant les Australiens revenir dans le match. La fin du premier acte est même légèrement ennuyeuse. Le public s’intéresse plus aux olas qui se dessinent dans le stade qu’au jeu en lui-même. L’occasion pour Vincent et Jennifer de discuter avec leurs voisins respectifs.


Vincent aime bien le rugby. Avant de partir à l’autre bout du monde il avait même écrit quelques articles sur le sujet pour un quotidien français. Dans l’un d’eux il parlait du rugby féminin et des joueuses du club du RCPXV. Ce soir à l’Eden parc, l’une des joueuses qu’il avait rencontrées est assise juste à côté de lui. Même aussi vaste, le monde reste petit. Sur les 50 000 personnes du stade, Vincent et Jennifer se sont retrouvés à coté de probablement la seule personne que l’un d’eux avait déjà rencontrée avant.

Ne trouvant pas de travail en France après son stage effectué au Racing 92, elle a décidé de se lancer et de partir à l’autre bout du monde. Ici elle est embauchée comme jeune fille au pair par une famille et continue de jouer au rugby. Plus tôt dans l’après-midi, deux de ses coéquipières portaient le maillot noir des Black Fern. Blessée, elle n’a pas pu disputer la demi-finale du championnat élite, perdu d’un point par son équipe.

En deuxième mi-temps le match s’anime. Nigel Owens refuse un essai aux Wallabies qui aurait pu leur permettre de passer en tête. Piqués au vif, les All Blacks déroulent. Aron Cruden, convoité par Montpellier, entré en cours de match, est acclamé par un public qui ne veut pas le voir partir aussi loin. Son vis-à-vis, Quade Cooper, lui aussi entré en cours de jeu, est copieusement hué par un public rancunier de voir porter un maillot jaune un jeune ayant grandi et ayant appris le rugby ici. Le match se termine. Le public comme repu par trop de victoires ne prend même pas le temps de savourer. Le stade se vide rapidement. Jennifer et Vincent rejoignent leur voiture, garée dans un parking non loin du centre ville. Il ne leur reste maintenant qu’une semaine à l’autre bout du monde. Difficile de réaliser.

Ils ont quitté l’ile du sud en début de semaine, après une dernière journée à Nelson et un tour au centre de la Nouvelle Zélande. Puis ont rejoint Wellington en Ferry avant de s’arrêter à Palmerston North pour y visiter le musée du rugby. L’occasion de s’essayer à

quelques acrobaties sur les sacs de plaquage et sur les simulateurs de mêlée. L’occasion aussi de constater que le musée tait étrangement les victoires du XV de France lors des coupes du monde de 1999 et 2007...


A Tongariro, mieux connu des fans du seigneur des anneaux par le doux nom de Mordor, ils ont tenté de gravir un des plus hauts sommets du pays, découragés à quelques mètres de l’arrivée par une tempête de grêle. Au milieu des cratères de volcans et des lacs de montagnes Vincent et Jennifer sont contraints de faire demi-tour. A côté d’eux, deux jeunes Taïwanaises émerveillées, elles qui n’avaient jamais vu la neige, ne semblent pas réaliser qu’il est dangereux de traverser un glacier enneigé en simples baskets. Mais la grêle en montagne ce n’est pas très dérangeant.

Le vrai problème c’est qu’à mesure que l’on descend la grêle se transforme en pluie froide et les derniers kilomètres doivent se parcourir trempé et au pas de course. Heureusement que le beau temps a tenu pendant quasiment toute la montée, permettant à Jennifer et Vincent de profiter des paysages magnifiques de l’Alpine Crossing track. Et surtout, heureusement que cette zone volcanique est aussi réputée pour ses sources d’eau chaude. Apres la douche froide rien de plus agréable que de se tremper dans une eau à 35° !

Depuis trois semaines en Nouvelle Zélande, le temps n’est pas très clément, mais cette semaine fut meilleure, accordant à nos voyageurs plus de sec que de pluie. Le temps changeant a aussi ses avantages. Alors qu’ils s’étaient arrêtés au bord d’un lac pour y dormir et se préparer pour leur grande marche, d’un seul coup ils virent tous les autres voyageurs sortir de leurs vans en courant armés d’un appareil photo, ou à défaut de leur I- phone. Un Arc-en-ciel enjambait de tout son long les collines verdoyantes suivi de près par un jumeau plus timide.


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