top of page

"AH! SI SEULEMENT ..."


Ah ! Si seulement Ben ne leur avait pas envoyé un SMS pour leur dire de n’arriver qu’à 17h00… Ah ! Si seulement ils avaient choisi de ne pas partir un peu en avance pour « se donner de la marge »... Peut-être n’auraient-ils jamais croisé la route de Jacob. Et peut-être que le véhicule qui les suivait n’aurait pas été aussi pressé que la grosse Jeep qui leur est rentrée dedans… Peut-être, alors, que la voiture qu’ils venaient tout juste d’acheter ne serait pas, à l’heure qu’il est, totalement défoncée… mais bon le sort en a décidé autrement.



Il était environ 16h40, ce jeudi soir quand ils arrivent au centre commercial de Southland au sud de Melbourne pour aller vendre des ampoules. Il ne leur restait qu’un seul virage. Ils attendaient patiemment au feu, derrière deux ou trois voitures. C’est vert ! Jacob décide de démarrer sa Jeep. Pas de problème jusque-là. Sauf qu’au volant de sa Holden Viva, Vincent, lui, n’avait pas encore prévu de démarrer. Et Vincent, il est juste devant Jacob. Et, inévitablement, la grosse Jeep de Jacob elle abîme l’arrière-train de la petite Holden de Vincent et Jennifer… Même pas 24h après avoir contracté une assurance, alors qu’il s’était enfin décidé à prendre la route, à un virage de leur destination : leur premier accident. Pas un accident grave, non. Rien de cassé pour personne, mais un arrière-train très abîmé pour la voiture, qui nécessitera au mieux quelques jours au garage, à moins que le garagiste la considère comme irréparable. Dans ce cas il faudra en acheter une autre.


Ça tombe mal. Parce que les ampoules, c’est rigolo 5 minutes mais au bout de deux semaines, ils commencent sérieusement à en avoir marre. Encore deux semaines, et ils connaîtront par cœur la sociologie des centres commerciaux de la périphérie de Melbourne. De la jeune femme d’une vingtaines d’années enceinte et déjà mère de trois enfants aux vieux couples dont la sortie quotidienne semble se limiter à une visite dudit Shopping Center, en passant par les jeunes couples obèses. Un portrait de la classe moyenne australienne en somme. Des gens qui ont les moyens de se payer des maisons pleines d’allogènes et qui donc pourront les changer gratuitement. Mais qui doivent se contenter des faubourgs, loin du centre-ville, loin des marchés agréables, loin de l’ambiance européenne, loin des vitrines de Noël. C’est étrange d’ailleurs cette ambiance de Noël en T-shirt. Même en fermant les yeux, Vincent et Jennifer ont du mal à croire que c’est Noël qui arrive avec la chaleur. Alors, heureusement que tous les jours en travaillant ; ils voient le Père Noël dans son traineau en train de faire des photos avec les enfants. Heureusement que les affiches sont là partout pour rappeler que c’est le moment de faire des achats. Les cadeaux d’ailleurs ils les voient tous les jours. Ils les voient sous les bras des papas et des mamans pressés qui font leur course. Eux ne parlent pas trop en général. Surtout, ils n’ont pas besoin d’ampoules. Mais à coté d’eux, à coté des parents malpolis et pressés il y a les habitués. Ceux qui viennent tous les jours pour raconter des blagues que Vincent ne comprend pas. Alors Vincent, il rigole pour faire semblant avant de se retourner vers Ed en haussant les épaules pour marquer son incompréhension. Une sorte de code entre eux. Quand Vincent hausse les épaules, Ed comprend qu’il ne comprend pas.

Ed n’a pas encore été présenté. Comme Ben, comme Lulu, comme Georgia, il est anglais. Comme Vincent et Jenny, ils travaillent à Ledified. Comme eux, il vend des ampoules. Plusieurs fois, il s’est retrouvé en binôme avec Vincent. Des fois c’est lui qui conduit, des fois c’est Vincent. D’ailleurs Ed il n’était pas très rassuré quand Vincent lui a raconté son accident… Mais bon, il l’a laissé prendre la voiture. Autant Jennifer est comme un poisson dans l’eau dans cette secte anglaise, mais pour Vincent c’est un peu plus compliqué. Les gens parlent autour de lui, il leur arrive même de s’adresser à lui. Mais Vincent, il comprend pas. Il a envie de répondre « Have you got your LEDs ? ». Parce que cette phrase il commence à la connaitre, il sait même quoi dire quand on lui répond. Et ce dont il est fier, Vincent, c’est que comme quand il était à l’UNEF, il arrive à prendre des contacts, mais cette fois tout en Anglais ! Par contre il suffit qu’un Ecossais viennent le voir et là il est tout désarçonné. Alors oui, c’est bien beau de chanter Flower of Scotland à longueur de journée quand on est en France, mais si on n’est pas capable de comprendre l’accent scottish, c’est comme porter un kilt avec un caleçon. Ça n’a aucun intérêt ! Aller courage Vincent ! Encore une semaine et c’en est fini des LEDs. Vendredi ils ont même raté une manifestation pour le climat à Melbourne, car ils devaient vendre des LEDs… Mais dans une semaine, si la voiture est réparée, ils partiront jardiner près de Yarra Rangers National Park. Mais avant ça, il faut retourner vendre ces ampoules !


bottom of page