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" LA VIE DE MOTEL ! "

On ne peut pas dire que la vie de motel commence tôt. Mais à partir de 9 heures du matin, c’est un marathon qui se court tous les jours. Et s’il ne faut pas commencer trop tôt, c’est pour laisser les clients dormir et se reposer. Mais il ne faut pas commencer trop tard non plus… Quand on dort dans un hôtel, on ne voit pas cet aspect des choses. La femme de ménage n’est que la personne qui risque éventuellement de nous déranger si on oublie de mettre la petite pancarte « do not disturb » à la porte. Mais on ne connaît pas son visage, aussitôt vu, aussitôt oublié. Les plus polis esquissent un timide bonjour, mais il est très rare que les échanges aillent au-delà. Quoi de plus normal ? Deux mondes se croisent. Celui des vacances et celui du travail. Et ces deux mondes n’ont aucune envie de se rencontrer. Les pensionnaires n’ont pas envie que le monde du travail envahisse leurs temps de repos. Et les travailleurs préfèrent penser à leur trop rare temps de repos, plutôt que de se soucier de celui des autres. A l’Abel Tasman de Launceston cette frontière habituellement étanche est étrangement poreuse.




























Il y a d’abord ce groupe d’ouvriers de la route, avec leurs gros camions qui font peur à Jennifer quand elle doit se garer. Si eux viennent au motel, ce n’est pas pour leurs vacances. Ils ont un chantier un peu plus loin et ne peuvent pas rentrer chez eux pour dormir. Tous des hommes. Le matin, ils partent avant que les femmes de ménage ne commencent leur tournée. Femmes de ménages, le terme français n’est pas si impropre qu’il y paraît. A une exception près, ce ne sont que des femmes qui font le ménage. Des femmes avec toutes le même air fatigué. Difficile de se prononcer sur leur âge. L’une vient du Queensland, une autre habite en Tasmanie depuis toujours mais n’est allée visiter la sublime Baie of Fire que l’année dernière. Le travail est fatigant. Il l’est même tellement qu’on y perd l’envie de découvrir son île. Vincent et Jennifer découvrent cette face cachée de la vie d’un motel, car eux sont à la limite des deux mondes. Ils y travaillent deux heures par jour. De 10 heures à midi, accompagnés de Jacob et Leander, les deux cousins de Jennifer, ils nettoient, coupent les mauvaises herbes ou repeignent la laverie. En échange, ils sont hébergés gratuitement. Le matin, ils sont donc d’un côté de la frontière : du côté des gens qui travaillent ; l’après-midi de l’autre, dans la peau des touristes. L’occasion pour eux de découvrir la Tasmanie.


Après les 10 heures de ferry qui leur ont permis de relier Melbourne à cette île de l’extrême sud du continent, ils ont d’abord découvert Launceston. Deuxième ville de l’Etat, la vie semble pourtant s’y arrêter après 17 heures. Si la ville est plutôt jolie et agréable en journée, mais le charme de la Tasmanie ne se joue pas dans ses rues. À peine commence-t-on à conduire sur les routes étroites et sinueuses que l’on comprend que ce pays est différent. On peut en juger au nombre d’animaux mort sur le long des voies ! A se demander si les cours de conduites pour les jeunes conducteurs ne pourraient pas ainsi servir d’atelier découverte pour de futurs taxidermistes. Ou bien, se demande Jennifer, si le gouvernement ne fait pas exprès de déposer des cadavres pour forcer les gens à ralentir. « Les animaux, c’est quand même moins glauque que les humains et ça fait quand même réfléchir » a même rajouté Vincent. Après les avoirs vus morts, il est encore plus surprenant de les voir vivants. Kangourous, wallabies, opossums ou même échidnés (mammifère ovipare qui à l’instar de l’ornithorynque fait la fierté de l’île), nos héros les ont tous croisés. Un opossum a même essayé de les priver de dessert alors qu’ils campaient dans la Baie of Fire et attendaient patiemment au coin du feu que leurs pommes de terre cuisent.


Les épiphytes sont des plantes qui poussent en se servant d'autres plantes comme support. Il ne s'agit pas de plantes parasites car elles ne prélèvent rien au détriment de leur hôte.

Visiter la Tasmanie laisse un curieux sentiment. Jusqu’à maintenant, partout où ils allaient, Jennifer et Vincent ne s’étaient jamais demandé si l’homme y était à sa place, tant la réponse à la question paraît logique et évidente. Mais pour la première fois, ils s’aventurent sur une terre où l’homme ne semble que locataire. Où la nature est bien plus puissante. Des plages de sable blanc s’étendant à perte de vue sur la cote est ; aux forets denses des montagnes abritant des couples d’arbres fougères et epiphytes s’entraidant l’un l’autre pour survivre, en passant par les Cataracts Gorges situées à à peine dix minutes à pied du centre-ville de Launcestaun, tout est là pour vous rappeler que cette île n’appartient qu’à elle-même. Et que c’est l’homme qui y a été domestiqué. En témoignent ces incendies qui les encerclent sur la route du retour après leurs escapades à la Baie of Fire ou cette centrale électrique construite à flanc de montagne et détruite deux fois par les crues au début du siècle. Elle n’est plus aujourd’hui qu’un musée dans lequel les oiseaux ont élu domicile et où les femelles viennent nourrir leurs petits perchés sous le toit à l’abri du vent.



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