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"CA Y EST ... ENFIN UNE VILLE ! "


La première brouette est la plus difficile. Peut-être parce qu’il ne s’attendait pas à ce que ce soit si lourd, mais Vincent a bien failli tout renverser. C’eût été con. Premier jour dans ce nouvel HelpX, premières minutes au boulot et, déjà, on trouve le moyen de se faire remarquer. Fort heureusement, par un miraculeux coup de rein, il réussit à rééquilibrer le ciment et, tant bien que mal, à faire avancer la brouette jusqu’à sa destination. La première a été la plus dure, oui. Mais on ne peut pas franchement dire que les suivantes aient été faciles.





















Et le pire, c’est que quand ce maudit camion a fini de recracher tout le béton qu’il avait patiemment digéré, il faut ratisser, aplatir, niveler. Pas le temps pour Vincent de se reposer. De son côté, Jennifer non plus n’en mène pas large. Ils ont quitté Launceston et leur motel la veille. Ils ont roulé toute la journée pour traverser la Tasmanie du nord au sud. Ils sont même descendus jusqu’à Port Arthur pour admirer les falaises. Journée chargée en somme. Journée de transition avant d’arriver à Fern Tree, à 20 minutes de Hobart, la capitale qui abrite 40% de la population de l’île. Arriver en voiture à Hobart après avoir passé une semaine à Launceston et traversé la Tasmanie, c’est un peu comme arriver à New York City ! On redécouvre ce qu’est une ville ! Les commerces sont ouverts après 17 heures, la cité ne se résume pas à trois artères et surtout, surtout ! il y a du monde dans les rues ! C’est donc fatigués par leur voyage et tout troublés par la redécouverte d’un environnement urbain qu’ils arrivent, le lundi soir, chez Lelia et Travis. Un couple franco-canadien chez qui ils vont habiter pendant deux semaines en échange de coups de main dans leur propriété. Une magnifique maison self made surplombant de sa baie vitrée des terrains boisés. Mais ce mardi matin, ce n’est pas chez Lelia et Travis qu’ils travaillent, mais chez leur voisin Graham. Un Australien au sourire marqué par une dentition parcellaire et une absence totale de cheveux. Avant même de l’avoir rencontré, on sait déjà que Graham aime les voitures. Une centaine de modèles, au bas mot, plus ou moins vieux, plus ou moins en bon état, occupe ses terrains. Et c’est précisément pourquoi, ce matin, Jennifer et Vincent sont empêtrés dans le béton. Et avec eux les cousins de Jennifer. Tout ce petit monde participe à la pose d’une dalle qui servira de sol à un futur hangar. Hangar qui aura vocation d’abriter les voitures qui pourront être réparées.


Depuis 7h30, ils sont sur le pont, le soleil commence à taper sérieusement. Les pieds s’engluent dans un béton qui durci à mesure que le temps passe. Les doigts ne se plient plus aussi facilement à cause de morceaux qui sèchent sur les mains. Les pelles, râteaux, brouettes sont de plus en plus douloureux à utiliser. Avec la fatigue, les choses deviennent confuses, difficile pour Vincent de comprendre qu’on lui demande en anglais : aller chercher la pelle ou la brouette ? Il est perdu et ne souhaîte qu’une chose : en finir avec ce maudit béton. Après l’effort, le barbecue permet de récupérer en partie les forces perdues dans la bataille, Vincent est soulagé. Le béton, c’est fini. Après, le travail est plus champêtre. Ramasser le bois, le trier... Jennifer, elle, s’occupe des enfants de Travis et Lelia : Sylvain et Manon, deux petites têtes blondes d’1 an 3/4 et de 3 ans 3/4. Déjà bilingue pour la plus grande. Tous les deux, d’une vivacité étonnante, n’hésitent pas à faire tournée en bourrique la pauvre Jennifer. Et c’est à peine remise de ses émotions qu’elle doit enfiler une combinaison des plus seyantes et, armée de produits Monsanto, aller empoisonner des plantes... Si l’arme n’est pas des plus glorieuses, la mission, elle, est noble. Le bush tasmanien est envahi depuis de nombreuses années par des plantes parasites empêchant le développement d’espèces unique. La mission de Jenny est de détruire ces Ericas.

Voilà donc ce qui va occuper Jenny et Vincent ces prochains jours. Mais l’avantage du HelpX, c’est qu’il permet non seulement de se procurer le gîte et le couvert en échange de main-d’œuvre, mais aussi de voyager et de découvrir. Maintenant qu’ils commencent à être à l’aise au volant – en évitant les centaines de cadavres d’animaux sur la route –, il ne leur faut pas plus de trois heures pour se rendre sur la côte est et ses interminables plages de sable blanc. La Tasmanie est sauvage, mais certain endroits sont néanmoins touristiques.

C’est le cas du parc national Freycinet. Le lieu est tellement fréquenté qu’à l’entrée, les wallabies n’ont pas peur de réclamer à manger à des touristes émerveillés. Mais une fois la voiture abandonnée, on se retrouve à nouveau en pleine nature. Et c’est là qu’on se dit que nos héros feraient bien d’étudier un peu plus les guides avant de se rendre quelque part… Ne parlons même pas de Vincent qui, en descendant de voiture, ne savait pas s’il passerait sa journée en tongues ou avec des chaussures fermées, mais plutôt de leur insouciance qui les aura vus partir pour une marche de 6 heures avec moins de 4 litres d’eau (pour 4) et juste de quoi manger « léger » le midi… On pourrait presque en rire si cette grossière erreur n’avait failli faire naître de solides dissensions dans ce groupe jusque-là soudé et solidaire. Fort heureusement, la fin de journée a permis à tous de s’apaiser. Le spectacle du soleil, réfléchi par le lagon, se couchant à l’ouest, derrière les montagnes de l’autre côté de l’île ; et la levée fire ban1, qui était imposé à tout le territoire depuis la veille à cause du grand nombre d’incendie, y ont en grande partie contribué.



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