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LES MALHEURS DE FILOMENA


Filomena est inquiète. Tous les jours, elle pose la même question et tous les jours elle entend la même réponse. « So, did you find a job today ? - No, not yet.» Filomena est italienne. Installée depuis de nombreuses années en Australie, cette petite femme par la taille, a fragmenté sa maison et en loue les chambres à des étudiants et à des voyageurs. C’est pas que ça l’intéresse particulièrement de savoir si Vincent et Jennifer travaillent, mais bon elle s’interroge. La première fois qu’elle les a rencontrés, ils avaient l’air plutôt sûrs d’eux, dans peu de temps ils auront trouvé un endroit où travailler, “No worries !”. Mais ça c’était il y a près de deux semaines... et la situation est toujours la même. Pour tout dire ça l’inquiète Filomena, car à la fin de la semaine il va bien falloir qu’ils lui payent le loyer et si ils ne travaillent pas ça risque d’être compliqué... D’autant qu’au fond d’elle-même, elle est bien embêtée. Si ils ne peuvent pas payer le loyer, ils vont devoir partir. Et il est là le problème ! Car si ils partent il va falloir relouer la chambre et là ça risque d’être plus compliqué. C’est pas tant qu’elle soit mauvaise cette chambre. Non, elle est même plutôt sympa, voire agréable. La maison en elle-même a en plus un sacré charme. Son grand jardin derrière est un véritable avantage, la cuisine est grande, l’ensemble est propre et en bon état. Certes la chambre donne sur la route. Mais la petite cour de devant permet de faire un sas et le mur qui protège la maison limite le bruit (même s’il est vrai qu’à partir de 6h on commence à entendre les voitures).


Non ce qui est embêtant c’est pas ça.. Ce qui est embêtant c’est les travaux. Parce que quand elle leur a fait visiter la maison, les ouvriers n’étaient pas encore là. Elle leur avait juste dit que les toilettes fuyaient, qu’elle devait les faire réparer et que pendant les réparations tous les locataires partageraient l’autre salle de bain. Mais elle avait oublié de dire que les travaux commençaient plus tôt que prévu et que surtout c’était toute la salle de bain qui allait être refaite. Ça serait compliqué de cacher ça à des nouveaux locataires. D’autant que les travaux commencent à 8h du matin, 6 jours par semaine, que la salle de bain est juste à côté de la pièce en question. Donc non, Filomena ne veut vraiment pas que Vincent et Jennifer s’en aillent, ça serait bien trop compliqué. Mais pour qu’ils restent, ils leur faut de l’argent, donc du travail. Voilà pourquoi tous les soirs elle pose la même question pour entendre la même réponse, enfin jusqu’à jeudi dernier. Malheureusement pour elle la réponse ne fut pas non plus celle qu’elle attendait. Oui, Jennifer et Vincent avaient enfin fini par trouver du travail. Après deux semaines à déposer leur CV dans tous les cafés et bars de la ville, à échouer à tous leurs entretiens d’embauche, à faire le tour des fermes alentour, ils ont finalement réussi à trouver de la place pour faire les vendanges.

Soulagement chez Filoména. Les vendanges c’est une valeur sûre, ça rapporte pas mal et, du raisin, il y en a en pagaille dans la région, suffisamment pour un bon mois de travail. D’ailleurs un autre de ses locataires travaille dans les vignes. Le canadien comme elle l’appelle. Lui il ne récolte pas, il conduit des tracteurs la nuit. Jennifer et Vincent ne le voient quasiment jamais et les rares fois où il apparaît, toujours en caleçon, ils ont à peine le temps d’échanger quelques mots. Mais bon, le problème c’était pas les vendanges, les raisins ou les caleçons du Canadien. Le problème c’est qu’en lui annonçant qu’ils avaient trouvé ce travail Jennifer et Vincent lui ont aussi annoncé qu’ils partaient en milieu de semaine prochaine... Ni une ni deux Filomena fonce sur son ordinateur pour poster une nouvelle annonce en ligne sur Flatmates (le site des colocs australiennes). Ça tombe vraiment mal ce départ. Mais bon comment les blâmer.




Pendant un mois ils seront hébergés gratuitement au sud d’ Adélaïde. Sylvia leur laisse sa maison. Sa maison et son chien. Deux fois par jour ils devront sortir Zara. En plus ils seront plus proches des vignes ! Que de bons arguments en somme ! En attendant, il faut se lever tôt pour aller couper du raisin. Le rendez-vous est donné à 6h30 à 40 minutes de chez Filomena. Quarante minutes de voiture à 6h00 c’est long... D’autant qu’ils doivent faire un détour pour aller récupérer trois Allemandes. Trois jeunes filles plus blondes les unes que les autres qui ont accepté de ramasser le raisin sans se poser la question de comment faire pour y être avant l’aube. Bonnes poires, Jennifer et Vincent font le taxi. Taxi mais aussi soutien psychologique. Car non seulement les jeunes filles n’avaient pas de moyen de locomotion pour se rendre sur leur lieu de travail, mais il leur manquait aussi la tenue. Alors oui, faire les vendanges en mini short n’est pas une excellente idée. Entre les serpents, le soleil, les ronces... les pantalons longs sont plus recommandés. Mais bon est-ce une raison suffisante pour se faire traiter de “bitch”, comme l’a fait une de leurs collègue ? “L’Australie est un pays libre chacun est libre de dire ce qu’il veut” répondra la jeune fille à Jennifer et à tous ceux choqués par cette démonstration de sexisme à l’australienne. La notion de liberté est vaste et ne signifie certainement pas la même chose pour tout le monde!



L’avantage des vendanges c’est que si on commence tôt et que les journée peuvent être mouvementées, on finit tôt aussi. Ce qui laisse le temps d’aller à la plage dans l’après-midi pour profiter du soleil et se rafraîchir. Mais les plages en Australie sont dangereuses. Les requins ne sont jamais loin et il faut toujours faire attention. Alors que nos deux voyageurs rentrent dans l’eau, un jeune garçon les avertie du danger. Si Jennifer ne lui prêta pas attention dans un premier temps, force fut de constater que les ailerons qui sortaient de l’eau à une trentaine de mètres d’eux, avaient réellement quelque chose de menaçant. Heureusement, il ne fallait pas attendre trop longtemps pour se rendre compte que le garçon bluffait. Il n’avait pas vu les ailerons. Et ces ailerons n’appartenaient pas à des requins mais à un couple de dauphins qui avaient décidé de s’amuser un peu en s’approchant des baigneurs.


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