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QUE FAIRE AVEC 10 KG DE RAISINS ?




Que peut-on bien faire avec 10 kilos de raisin blanc ? Il faut dire que Jennifer n’a pas trop le sens de la mesure. Alors, quand son chef lui a dit qu’il ne voulait pas du raisin blanc et que si ça lui chantait elle pouvait en ramasser autant qu’elle voulait pour le ramener, ça n’a fait ni une ni deux dans sa tête ! A la pause, elle s’est précipitée avec sa « bucket » pour ramasser un maximum. La voilà désormais encombrée de 10 kilos de raisin blanc...

Voilà maintenant plus d’une semaine que Jenny et Vincent travaillent dans les vignes. Le boulot n’est ni très compliqué ni trop fatigant mais il faut se lever tôt. Le rendez-vous est fixé tous les matins à 6h30 à trente minutes de voitures de leur nouvelle maison. Alors, après 5 jours de picking d’affilée, ils sont un peu fatigués, même si en arrivant si tôt, ils ont la chance de voir des kangourous gambader entre les pieds de vigne. Et les journées sont chaudes... Fort heureusement, ils ne terminent pas après 14h30. Enfin “heureusement” pas vraiment ! C’est toujours un sacré dilemme. Ils sont employés sans avoir une idée de leur salaire, ou même du nombre d’heures qu’ils vont faire en une journée. Ils coupent les grappes, remplissent leur bucket, et une fois la bucket pleine, les “bucketboys” la récupèrent et leur donnent un jeton en échange. Le jeton, c’est leur paie. Ils sont payés à la “bucket”, entre 2 et 3,80 dollars. Alors, quand les journées sont longues ça va. Ils en font des “buckets”, (et plus le terrain est difficile plus la bucket vaut chère). Mais quand ils terminent tôt et qu’ils font des journées à seulement 20 buckets, ils savent que la paie ne sera pas énorme... D’autant qu’au prix de la bucket, il faut soustraire les taxes... Donc, quand ils arrivent le matin ils sont partagés. D’un côté, ils ont envie que la journée soit longue, pleine de grappes et de buckets, et d’un autre côté, ils savent que si la journée finit tôt, ils passeront l’après-midi à la plage, ce qui n’est pas désagréable. Plage ou dollars, là est le dilemme avec cependant un bémol : ils ne sont pas maîtres de leur choix ! C’est Posty qui choisit pour eux. Tous les matins, à 6h30, ils le retrouvent à l’Oval (le stade de cricket) de Mclaren Flat. Une vingtaine de voitures sont là à attendre. Tous travaillent pour Madec, qui fournit des bras au propriétaire de vignobles. Se mélangent backpackers et Australiens. Les pickeurs ne sont pas tous des jeunes gens en manque d’aventures qui ont besoin de se faire un peu d’argent pour continuer leur voyage. La plupart sont australiens et ont le souvenir d’avoir vu Amstrong poser le pied sur la Lune en direct à la télévision. La doyenne des pickeurs a 75 ans. Certains vivent des vignes été comme hiver. Quand il n’y a plus de raisins, ils reviennent pour tailler les pieds. Là encore, leur salaire n'est jamais assuré. Il dépend du nombre d’heures de travail, de la météo, car on ne travaille pas sous la pluie. Mais même pour les meilleurs d’entre eux, il est rare de voir des semaines à plus de 900 dollars une fois les taxes déduites. La cueillette ne se fait donc pas toujours de manière détendue. Les habitués voient d’un mauvais œil ces bandes de jeunes venant de l’autre bout du monde pour leur piquer leurs raisins et donc leur source de revenus. Car eux font ça “pour gagner leur vie, pas pour payer leurs vacances”. Heureusement Posty sait plutôt bien gérer ses troupes. Proche de la soixantaine, la clope au bord des lèvres en permanence, il arpente les vignes, surveille que personne ne laisse de grappe, encourage les nouveaux, peste contre les Français (qu’il n’aime pas trop) et booste les buketboys. Si d’aventure certains osent se plaindre de ses employés, il est là pour les défendre. Personne, à part lui, n’a le droit de mal leur parler. Et quand les propriétaires des vignobles jugent qu’il reste trop de grappes, c’est à lui seul de juger s’il faut ou non en faire le reproche à ses troupes.

Une fois leur journée de travail terminée, Vincent et Jennifer retrouvent Zara. Ils ont quitté leur chambre chez Filoména sur Cross Road pour une maison au sud de Glenelg. Hébergés gratuitement, ils doivent s’occuper du chien pendant un mois alors que la propriétaire est en voyage en Europe. Zara n’est pas difficile. Elle est très contente quand elle sort, elle est aussi très contente quand elle rentre, elle aime beaucoup jouer avec sa baballe. Jennifer et Vincent se disent qu’ils ont de la chance ! Même s’il faut sortir le chien le matin avant de partir dans les vignes, ils sont plutôt gagnants. Même Jennifer qui habituellement n’aime pas trop les grosses bêtes se sent plutôt à l’aise dans son nouvel environnement. Un quotidien bien rôdé entre caca de chien, vigne et plage, de quoi passer un mois plutôt serein.


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