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Comme un avion sans ailes


Et 550 dollars plus tard, la climatisation est enfin réparée ! Une bonne chose avant de traverser le désert. Cela faisait près de trois mois que Jennifer et Vincent avaient chaud dans leur voiture. Maintenant, les rayons du soleil ne sont plus un problème. Un bouton sur lequel on appuie et on peut oublier la chaleur! Dernière semaine à Adélaïde avec un emploi du temps particulièrement chargé avant le grand départ. Le picking est fini. Tout comme la finale du Sheffield Sheild qui, au bout de cinq jours, aura vu finalement le Victoria l’emporter sur le South Australia avec 7 guichets ! Une dernière semaine durant laquelle il faudra également dire au revoir à Zara. Après un mois en Europe, sa maîtresse est rentrée mercredi et ce chien qui était le leur jusque-là n’a plus besoin d’eux. Mais les derniers moments dans le South Australia sont aussi l’occasion des dernières découvertes.

Alors que les journées commencent à se rafraîchir avec l’arrivée de l’automne, il était grand temps pour Jennifer et Vincent de se jeter à l’eau. Gilet de sauvetage sur les épaules, ils partent une matinée entière à la recherche de dauphins et d’épaves de bateaux dans les eaux chaudes qui bordent le nord de la ville. Si, par le passé, ils ont eu des expériences douloureuses ou plutôt rafraîchissantes en kayak, désormais ils sont rodés. L’entente n’est pas forcément toujours évidente, les consignes ayant du mal à circuler de l’avant à l’arrière et inversement. Mais la vue de dauphins nageant à une dizaine de mètres permet de faire rapidement redescendre la pression. Trois heures à naviguer sur une embarcation qui ferait frémir de jalousie Bruno Podalydès. Ils fusent sur l’eau comme un avion sans ailes et terminent leur expédition aussi sec qu’ils l’ont commencée ! Trois heures à admirer les épaves qui datent du début du siècle. A l’époque, les Australiens étaient persuadés que laisser pourrir leurs bateaux ici et en faire des poubelles géantes serait une bonne chose pour la faune et la flore.


Si le South Australia est réputé pour ses côtes et ses dauphins, c’est aussi une des portes d’entrée de l’Outback. L’arrière-pays. Soit les 80% du territoire australien. Rien de mieux, avant de rouler vers Perth, que de tester leur voiture et leur climatisation en allant à Coober Pedy. 1700 kilomètres aller-retour en trois jours. Le temps de découvrir les grands espaces. Des heures sans croiser âme qui vive à part les gigantesques charognards occupés à la dégustation des innombrables carcasses de kangourous. Mais rouler sur ces interminables lignes droites n’est pas sans danger. Il y a si peu de monde que certains oublient la plus élémentaire prudence pour dépasser les Road Train, ces camions longs comme trois semi-remorques français, au risque de heurter les voitures arrivant en face.

Autre règle d’or à ne pas ignorer : ne jamais passer devant une station essence sans s’y arrêter et faire le plein. Même si c’est beaucoup plus cher qu’ailleurs.

L’automne arrivant, les nuits dans l’Outback sont plutôt fraîches sans être vraiment froides. Et le ciel parsemé d’étoiles est d’une splendeur incroyable. Son observation est d’autant plus agréable qu’à la nuit tombée, les habitants les plus nombreux de ces terres hostiles disparaissent comme par enchantement. Car avant le coucher du soleil, c’est par centaines que les mouches se collent à vous !

Encerclé par ces sales bêtes, Vincent est un peu circonspect en arrivant à Coober Pedy. Tout ce chemin pour découvrir la plus impressionnante colonie de mouches qu’il n’ait jamais vue. Quant à la ville... difficile de l’appeler comme ça. Les guides racontent que 44 nationalités se mêlent dans cette cité de mines d’opales. En fait, les rues ne semblent peuplées que de jeunes backpackers en mal d’aventure. A moins que chaque habitant ne soit le porte-étendard de sa propre nationalité... Pourtant l’opale attire du monde. Si tous ne parviennent pas à en vivre, tout dans la ville vous y amène. De la visite des mines, jusqu’aux échoppes pour touristes qui longent la route principale. Ici même les églises ont été creusées par des mineurs. A vrai dire comme toute la ville. Il y fait si chaud l’été que toutes les habitations sont construites sous terre. Les maisons ont une porte d’entrée qui donne sur la rue, mais c’est dessous que vivent les gens. A cette atmosphère étrange se rajoute un des aspects les plus tristes de l’Australie.

Depuis leur arrivée il y a cinq mois sur l’île continent, Vincent et Jennifer ont croisé nombres d’Australiens. Des natifs, des émigrés, des grands, des petits, des hommes, des femmes, des gens biens, des abrutis, des progressistes, des racistes. Mais ils n’avaient vu que très peu d’Aborigènes. Ils en ont croisé parfois dans les suburbs de Melbourne, et dans le centre-ville d’Adelaide (où l’on peut voir leur drapeau noir, rouge et jaune un peu partout) un musée leur est dédié. Comme si tout avait été fait pour oublier qu’avant James Cook, cette île était habitée. Pourtant tout le pays était occupé par un grand nombre de tribus.



La visite de Coober Pedy permet de s’en rendre compte. Ici, les Aborigènes se regroupent dans les rues poussiéreuses. Assis par terre, ils ne semblent attendre qu’une chose : que le temps passe. Pas de mélange, peu de contact. Les Blancs d’un côté, les Aborigènes de l’autre. Marcher dans Coober Pedy, c’est constater que les Blancs ont gagné. Alors certes, on met un didjeridoo ici pour faire de la belle musique un peu mystique ; ailleurs on montrera un tableau mosaïque caractéristique de l’art aborigène. Mais cette façade ne tient pas deux minutes face à la réalité. Celle d’une ségrégation qui ne dit pas son nom et d’une société coupée en deux. D’ailleurs, le symbole de l’Australie, ce gigantesque bloc de pierre au centre du pays est appelé Ayers Rock par certains et Uluru par les autres. Une bataille sémantique qui n’a rien de symbolique, car c’est une histoire entière que certains veulent oublier et que d’autres veulent faire revivre !





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