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IL Y A DES SOURIS DANS LE MOTEUR


Antoine est embêté. La veille au soir, ils ont tous dormi dans un freecamp qui, à première vue, avait l’air plutôt agréable. À première vue seulement. Car sans qu’ils le sachent, le camp était déjà occupé avant leur arrivée par une colonie de souris. Pas méchantes non, mais nombreuses. Et certaines d’entre elles ont eu la bonne idée de profiter de sa voiture pour déménager. Ça fait donc à peu près 24 heures qu’Antoine a un locataire dans son 4x4. Antoine est pompier, il a 25 ans. Depuis lundi, avec Claire, sa copine, ils montent vers Broome en compagnie de Vincent, Jennifer et d’un autre couple : Amandine et Alexis. Il y a trois ans, Antoine a réussi avec brio le concours d’entrée pour devenir pompier professionnel. Et depuis... il attend d’être embauché. Un pompier professionnel coûte plus cher qu’un pompier volontaire. Donc, plutôt que de rémunérer des gens qualifiés, l’institution préfère avoir recours à des jeunes de moins de 25 ans en service civique, qui eux seront payés par l’Etat 450 euros par mois. Lassé d’attendre, Antoine a décidé de partir. Il a d’abord accompagné sa copine pendant deux mois à La Réunion. Claire est diplômée d’un master 2 de géographie. Elle non plus ne trouvait pas d’autres offres d’emploi que des propositions de CDD rémunérés à 400 euros par mois. Ils ont donc

rejoint l’Australie. Comme Vincent et Jennifer, ils ont coupé du raisin à Adelaïde. Comme Vincent et Jennifer, après un séjour à Perth, ils partent vers le nord pour trouver du soleil et du travail. Avec eux, Alexis et Amandine conduisent eux aussi un 4x4, lui aussi habité par une colonie de souris. Tout ce petit monde est en route vers Broome. Espérant faire fortune en ramassant des huîtres et les perles qu’elles contiennent. Mais en attendant Broome, il faut avaler des kilomètres. À vol d’oiseau, 2 000 km séparent Perth et Broom. Le chemin est long mais riche en découvertes.


Si les premiers kilomètres jusqu’à Jurian Bay avaient déjà été parcourus par Vincent et Jennifer deux semaines plus tôt en compagnie d’Hélène et d’Isabelle, la suite est pleine de surprises. Quand les voyageurs vous parlent de l’Australie, ils vous racontent volontiers leurs expériences avec les kangourous, les koalas, les couchers de soleil sur Perth, les levers sur Sidney, les senteurs de Melbourne et les nuits étoilées d’Uluru. Mais, curieusement, pas grand monde ne vous rapporte l’essentiel. À croire que les mauvais souvenirs s’effacent avec le temps et qu’inconsciemment le cerveau choisit de ne garder que le meilleur. Le cœur de l’Australie n’est certes pas habité par beaucoup d’hommes, mais il est peuplé d’un nombre incroyable de mouches ! Impossible d’ouvrir la bouche sans en avaler une. Pour espérer cuisiner sans être dérangé, il faut attendre la nuit. Autrement, les chapeaux à moustiquaire sont indispensables pour ne pas devenir fou. La visite du parc national de Kalbari est quasiment impossible. Entre la chaleur et les insectes volants, les longues marches sont à bannir.

Les mouches sont vraiment les reines du désert. Ce territoire leur appartient. Fort heureusement, elles n’osent pas trop s’aventurer dans les rares villes de l’Outback. Carnarvon en est une. Comme toutes les cités éloignées des grosses métropoles, elle est majoritairement peuplée d’Aborigènes. Les backbapers attendent en nombre que les récoltes de bananes commencent. Mais les bananes ne sont pas mûres. Donc les backpackers attendent... Partout les écriteaux “NO WORK, NO BACKPAKERS” découragent les nouveaux venus. Pas de quoi effrayer notre petite troupe qui n’avait de toute façon pas prévu de s’y arrêter, hormis pour acheter des pièges à souris. Ils continuent donc leur route en profitant d’une nature sauvage, hostile mais magnifique.

La visite le long de Sharkbay permet d’admirer le paysage côtier. Mais l’eau y est encore trop froide pour espérer se baigner. Il faudra rouler quelques kilomètres de plus et dépasser le Tropique du Capricorne pour plonger dans les eaux turquoise de l’Australie occidentale. L’île-continent attire en nombre les plongeurs pour admirer sa barrière de corail à l’est. Moins connue et plus petite, celle de la côte ouest présente l’avantage d’être entièrement gratuite. Loin des villes, au bord du désert, il suffit de s’armer d’un masque et

d’un tuba pour profiter des poissons et récifs de toutes les couleurs ainsi que des tortues qui viennent se reposer près des côtes. À cette époque de l’année, l’eau tropicale est tiède, entre 23 et 25 degrés. Exmouth, petite bourgade à la pointe nord de la péninsule du Cape Range, vit essentiellement de la splendeur de ses eaux.

Les touristes parcourent des centaines de kilomètres pour venir nager avec l’immense requin-baleine. D’autres viennent sur la plage de Turquoise Bay en alternant “snorkling” au milieu des poissons et balades au milieu des kangourous. Pendant deux jours, Jennifer et Vincent ont profité de ce cadre idyllique. D’autant plus que, depuis leur traversée du Nullabor et leurs ennuis de voiture, leur compte en banque est désespérément vide. Passer deux jours sur les plages au milieu des poissons tropicaux, en oubliant son manque d’argent, est, paradoxalement, peut-être la plus grande des richesses.

Mais le temps, lui, continue de défiler. Il faut reprendre la route. Repartir toujours plus au nord. Le premier objectif du voyage est atteint : retrouver le soleil. Le but de la seconde semaine est d’atteindre le deuxième : trouver du travail.



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