top of page

THE BIG EMPTY


En arrivant à Perth, il y a près d’un mois, Jennifer et Vincent pensaient avoir fait le plus dur. Après la traversée du Nullabor et une semaine passée dans le désert, la route vers le nord ne devait être qu’une formalité. C’était sous-estimer l’outback australien et le big empty* qui amène jusqu’à Broome. Des centaines et des centaines de kilomètres dans un territoire hostile en compagnie de roadtrain deux fois plus long que leurs homologues du sud. Après une escale à Exmouth et sa barrière de corail, les journées sur la route s’enchaînent et se ressemblent. Interdiction de conduire après 17 heures sous peine de collision avec un kangourou ou pire un troupeau de vaches ou de moutons.

Il est sans doute là, le vrai désert australien. Avec les aigles qui, au matin, survolent l’asphalte à l’affût des carcasses de mammifères écrasés pendant la nuit par les mastodontes de la route. Dans la voiture, la même musique passe en boucle, impossible de comprendre comment fonctionne le mode aléatoire de ces maudits iPhones ! Vincent et Jennifer se relaient au volant toutes les deux heures, avec le même 4x4 en ligne de mire. Les paysages défilent, changeant au fur et à mesure que les kilomètres s’accumulent, tout ça sous un ciel bleu azur. Le compteur de vitesse est bloqué à 90. Les Pajeros de leurs compagnons de route n’aiment guère aller plus vite.... Antoine et Claire, eux, sont contents, les souris les ont enfin abandonnés. Malheureusement, ce n’est pas le cas d’Alexis et d’Amandine.

Tous les soirs, ils remettent le même piège. Et tous les matins l’appât a disparu mais la souris est encore vivante ! Si on roule moins vite, voyager en groupe présente un certain nombre d’avantages et permet de casser la monotonie des soirées. Même si, le soleil se couchant à 17h30, il est rare de voir quelqu’un veiller après 21 heures, faire la cuisine est un moment de convivialité. Alexis, informaticien de formation, rêve d’ouvrir une chambre d’hôte dans le Lot. En attendant de voir son rêve se réaliser, il cuisine. Et si les produits à sa disposition ne sont pas ceux de son Sud-Ouest natal, il se débrouille. En mutualisant les boîtes de conserve des uns et des autres, il arrive à s’en sortir pas trop mal. De quoi oublier la monotonie des jours et les longues heures de conduite qui les attendent. Malgré ces bons repas, Jennifer est embêtée. Sa Carte bleue est bloquée depuis dix jours. Au hasard d’une connexion téléphonique suffisante, elle arrive à contacter Visa. Pas de chance, si la réception est bonne la communication l’est beaucoup moins : « Pour avoir une nouvelle carte, vous devez déclarer un état d’urgence et pour ça il faut appeler votre banque. – Mais c’est ma banque qui m’a dit de vous appeler car ma carte est bloquée – Je répète, si votre carte est bloquée vous devez en faire une nouvelle et pour ça déclarer un état d’urgence. –Mais c’est quoi exactement un état d’urgence ? – Si votre carte ne marche pas, vous devez la changer et pour ça déclarer l’état d’urgence. – Déclarons l’état d’urgence alors ! – Pour ça vous devez passer par votre banque. – Mais c’est ma banque qui m’a dit de vous appeler... » Au bout de dix minutes, Jennifer raccroche sans vraiment savoir quoi faire. Tant pis... Le compte en banque désormais vide n’est pas un si grand handicap tant les commerces sont rares. Dans le désert, tout passe au second plan, même l’hygiène. Surtout l’hygiène. Cela va bientôt faire 4 jours, qu’ils n’ont pas pris de douche. Pas de quoi les déranger cependant. Fort heureusement, une baignade dans les gorges rouges de Karijini leur permet de garder un semblant de propreté. Car l’Australie est un pays immense qui, même au milieu de son désert, cache des merveilles. C’est le cas du parc Karijini. Propriété des Aborigènes, le parc est à plus de 800 kilomètres de Broome, la principale ville du nord du Western Australia. La petite troupe décide de prendre deux jours pour profiter des rivières, chemins et pistes de 4x4.

A l’entrée du parc, Tom Price, petite bourgade de 2 000 habitants, ne semble vivre que pour son parc. Devant le supermarché de la ville, un groupe d’Aborigènes est assis à attendre. Les enfants, pour beaucoup en surpoids, jouent. Durant leurs premiers mois dans le pays, ni Jennifer et Vincent ni leurs compagnons n’ont beaucoup fréquenté les Aborigènes. Pour une raison simple, avant de pénétrer dans l’Outback, ils n’avaient croisé que des Australiens blancs les mettant en garde contre eux. “Si vous en croisez sur le bord des routes ne vous arrêtez pas ! C’est un piège.” Depuis qu’ils ont quitté les grosses métropoles, ils constatent à quel point les petites villes sont leurs refuges. Les Européens ont choisi leur part du gâteau et ont laissé les miettes aux autres...

En remontant au nord, les voyageurs retrouvent les plages. La chaleur des Tropiques commence à se faire sentir. Malheureusement, si les plages sont belles, la baignade n’y est pas toujours conseillée. Aux requins australiens, auxquels les voyageurs sont désormais habitués, s’ajoutent les crocodiles. La dernière escale avant Broome, sur Eigthy Mile Beach, ne leur permettra que d’admirer les pêcheurs sortir de l’eau des saumons comme Jennifer sortait les petits canards jaunes sur les stands des fêtes foraines quand elle était petite. Si Alexis et Antoine se décident à essayer les cannes à pêche, le soir venu, nul saumon au menu. Juste le corned-beef acheté deux semaines plus tôt à Coles, pour accompagner la purée de pomme de terre écrasée à la fourchette ...


bottom of page