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L'INDUSTRIE DES BACKPACKERS


“Cette ville vit de l’industrie des backpakers, vous trouverez sans difficultés.” La vendeuse qui s’occupe de la boutique de Willie Creek (plus importante ferme perlière de la région) n’a pas de job pour eux, mais se veut rassurante. C’était bien la peine de risquer sa vie sur une route réservée aux 4x4, manquant de retourner la voiture à chaque flaque pour entendre ça ! Jenny et Vincent sont à peine arrivés à Broome, qu’ils constatent, qu’ici aussi, la recherche de travail peut vite devenir décourageante. Dans les fermes d’huîtres, les équipes de perles sont toutes constituées depuis deux semaines. Trop tard pour les huîtres, trop tôt pour le tourisme. Le creux de la vague. Dans cette ville tropicale où la moiteur permanente rend n’importe quel déplacement pédestre aussi dégoulinant qu’un marathon, l’attente n’est pourtant pas désagréable.

La première impression que l’on a en entrant dans Broome, c’est celle d’une ville divisée. Deux quartiers se font face avec l’aéroport au milieu. Les magnifiques plages d’un côté, le centre-ville coquet de l’autre. Entre les deux : les habitations, des petites maisons individuelles sans charme, la plupart du temps en tôle, disposées de manière anarchique. Les trottoirs sont inexistants, seuls le sable rouge et les quelques traces d’herbe permettent de comprendre que la route s’arrête et que les piétons peuvent marcher sans risquer de se faire écraser par un énorme 4x4. Aborigènes et Occidentaux se partagent les rues sans se mélanger. A Chinatown, le centre-ville, les boutiques semblent toutes tourner grâce aux backpackers. Rares sont les touristes qui s’avancent autant au nord. Aux terrasses désertes, des backpackers servent d’autres backpackers. Partout, les recruteurs mettent en garde contre le turnover trop fréquent chez leurs employés. Tout le week-end se tient un marché devant le palais de justice. Les stands aborigènes côtoient ceux qui proposent de la nourriture indonésienne, l’ambiance est agréable et permet d’oublier la chaleur écrasante.

Pour Jennifer et Vincent, les journées se suivent et se ressemblent. D’abord, la recherche d’une connexion Internet pour mettre à jour les CV et les envoyer à d’éventuels recruteurs. Ensuite, un tour des hôtels et des bars, CV sous le bras, avant que la chaleur ne devienne trop forte et ne vous pousse inévitablement sur le sable de Cable Beach et dans son eau à 26° C. Pour trouver du boulot, l’industrie perlière étant désormais inaccessible, la seule solution semble être de travailler dans la restauration. Pour ça, s’ils veulent avoir une chance d’être embauchés, les voyageurs ont l’obligation de décrocher leur RSA. Un test à passer en ligne, 100 questions auxquelles il faut savoir répondre. Avec des interrogations parfois surprenantes, comme lorsque l’on demande si le comportement du barman doit être le même face à un Aborigène ou un Blanc...

Mais aussi douce soit-elle, l’attente commence à jouer sur les nerfs de Vincent. Car sans travail, pas de logement en dur. Pendant toute une semaine, ils ont donc campé avec Alexis, Amandine, Antoine et Claire sur un terrain à 20 km de la ville. Leur mini projecteur leur permet d'organiser quelques séances de cinéma en plein air certains soirs ; le soleil et la chaleur les réveillent avant 7 heures ; la nuit et les moustiques les forcent à se coucher avant 9 heures... Si les douches de Cable Beach permettent de garder un semblant d’hygiène, le cocktail sable et chaleur permanente fait rapidement oublier ce court instant de propreté. Monter la tente le soir, cuisiner sur les réchauds, se faire dévorer pas les moustiques et puis aller se coucher dans des draps moites pleins de sable avant de démonter les tentes le lendemain et de tout ranger dans la voiture... En plus de tout ça, Jennifer et Vincent ont eu la bonne idée de s’alléger tout au long du voyage. Oubliant ici leurs tabourets, là leur bouteille de gaz. Et alors que le ballet des voitures entrant dans le freecamp et éclairant sa tente de leurs feux de route ne semble pas vouloir s’arrêter, Vincent, allongé sous sa tente et ne trouvant pas le sommeil à cause de la chaleur, se dit qu’en embarquant pour l’Australie il y a plus de six mois, s’il y avait une chose qu’il n’avait pas souhaitée, c’est être obligé de coucher sous la tente, dans un camping pourri, à

quelques encablures du confort d’une ville, faute d’argent et de travail. C’est pourtant bien ce que Jenny et lui vivent actuellement... Fort heureusement, la vendeuse de perles n’avait pas tort. Les CV déposés un peu partout commencent à donner des résultats. En trois jours, Jennifer a déjà l’assurance de travailler pour 200 dollars tous les samedis. A partir du 28 mai, se déroule un Festival de Course de Cheval où ils pourront sans doute bosser. Pas évident de savoir de quoi il s’agit exactement, mais bon, c’est au moins l’assurance de voir un peu d’argent rentrer sur le compte en banque. Pas suffisant pour envisager sereinement la suite du voyage, mais un premier pas encourageant. Espérons que la semaine prochaine leur permettra non seulement de travailler mais surtout d’abandonner, un temps, les joies du camping. Sans quoi, il n’est pas sûr que Vincent ne sombre pas rapidement dans une dépression tropicale !


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