BROOME À DOS DE CHAMEAUX

“Désolé, mais pour être honnête, on n’aura pas besoin de toi.” Apres deux sessions d’essais, Vincent ne sera finalement pas engagé dans le bar où Jenny, elle, travaille. La raison ? Difficile de savoir. Pas besoin de nouveau serveur apparemment. Et, si ça n’a pas été dit comme ça, sans doute à cause d’un anglais encore trop approximatif. Enfin, dans ce pays, les raisons ne manquent pas pour ne pas embaucher quelqu’un. Pour s’en séparer aussi d’ailleurs. Car non seulement Vincent n’a pas su convaincre les patrons du bar, mais le champ de courses n’a plus besoin de lui (ni de Jenny) pour ouvrir les bouteilles de champagne. Là encore, difficile d’en connaître la raison. La seule réponse se limitant à “Vous avez fait un incroyable travail la dernière fois, mais maintenant on a besoin de moins de monde, on est vraiment désolé”. Impossible de savoir si il y a un lien quelconque avec les bouteilles ouvertes trop tard deux semaines plus tôt. Quoi qu’il en soit, ils ne passeront pas leur samedi à l’hippodrome et il faudra renoncer aux 450 dollars qui allaient avec. C’est un sacré coup dur ! Surtout de l’apprendre le jeudi, un peu par hasard. Un des managers de Jenny travaille aussi au “horse race”. Au détour d’une réunion interminable, il a entendu dire que Jenny ne serait pas reprise. Une serveuse aurait vendu des bouteilles sans les ouvrir. Cette serveuse n’était pas dans le même bar que Jennifer, mais plusieurs personnes se sont accordées pour dire qu’elle était fautive. Le lendemain matin, Vincent et Jenny constatent que l’information n’était pas fausse. Jenny n’est pas reprise, Vincent non plus et ni Alexis et Amandine. En fait, toutes les personnes embauchées par l’intermédiaire de l’agence Pindan, par laquelle ils sont passés, ne travaillent plus pour l’hippodrome.

Fort heureusement, Steeve est là pour les aider. Vendredi soir, alors qu’il vient récupérer son loyer, il apprend les déboires de ses locataires. Et comme il doit nettoyer l’appartement qu’il vient de quitter, il a besoin de monde pour l’aider et toute la petite troupe ! Et samedi, à la fin de la matinée, il sort de sa poche l’argent du loyer récupéré la veille : “Vous avez travaillé 3 heures, vous êtes 4, à 25 $ de l’heure ça vous fait donc 300$”.

Steeve passe toutes les fins de semaine pour le loyer. L’occasion de discuter avec ses locataires. Ce vendredi, André, son collègue et ami, vient avec lui et ramène à boire et à manger pour deux semaines ! A Broome, Steeve est chez lui. Il a ses habitudes. Comme par exemple de ne jamais fermer sa porte à clefs. En repartant, il se rend compte que la portière avant de son 4x4 a été ouverte, et que l’ordinateur portable posé sur le siège passager a disparu. Heureusement, Broome est une petite ville où tout le monde semble se connaître (et particulièrement la police). Apres avoir porté plainte au commissariat, son ordinateur est retrouvé deux jours plus tard.

De son côté, Jennifer enchaîne 6 jours par semaine au Roye. Et sa chef lui a rajouté des heures sur son planning quand elle a appris ses mésaventures à l’hippodrome. Après le ménage chez Steeve, Jenny a juste le temps de manger un morceau avant de retourner voir ses amis alcooliques et ses collègues en bikini. Vincent, lui, profite de son après-midi pour aller voir un match de rugby. Steeve connaît Broome et il sait où il faut aller pour regarder un match. Ici, le rugby n’est pas le sport numéro 1, loin s’en faut. Alors que les Wallabies reçoivent pourtant le XV de la Rose, peu de monde dans le pub pour suivre la rencontre. C’est tout juste si quelques voix alcoolisées résonnent au moment des hymnes. Trois supporters néo-zélandais, venus pour assister un peu plus tôt à la victoire de leur équipe nationale, font plus de bruit que tous les Australiens du bar. Il faut dire qu’il y a aussi des rencontres de footy et de rugby à 13 retransmises sur les autres écrans. Et ça, ce sont des sports qui plaisent et font recette. La plupart des gens présents sont là pour encourager les Cats de Geelongs ou les Kangourous de North Melbourne, pas pour leur équipe nationale. D’autant que si le match avait bien commencé pour les locaux avec 2 essais en moins de 20 minutes, les Anglais n’ont pas eu besoin de plus d’une mi-temps pour refaire leur retard et passer en tête. Soupe à la grimace pour Steeve qui, lui, est un vrai fan de rugby. Ses origines françaises et irlandaises n’y sont peut-être pas étrangères. Tant pis, ça ne l’empêchera de terminer sa soirée chez André, qui fera gouter tous ses whiskys à Vincent avant de sortir un rhum arrangé maison. Et tout ça pendant que Jennifer sert des brutes avinées au Roey. Fort heureusement d’ailleurs ! Totalement sobre, elle, elle pourra ramener tout le monde sans risquer un contrôle de police.

Jenny bosse beaucoup ! C’est désormais elle qui assure le seul revenu du couple. Mais il lui arrive de prendre des “day off”. L’ennui c’est qu’à Broome, quand on ne travaille pas, hormis aller à la plage, il n’y a pas grand-chose à faire. Il faut dire que les plages sont d’une beauté incroyable et que le coucher de soleil sur Cable Beach offre une lumière exceptionnelle. A tel point que les 4x4 se pressent sur la plage comme lors d’une séance de cinéma en plein air. Ce conglomérat de grosses voitures détonne un peu sur le sable blanc.

Tout le monde sort ses chaises et tables de pique-nique pour siroter un « sparkling wine » face à l’océan. Mais le spectacle du “sunset” n’est pas réservé qu’aux grosses cylindrées. Vincent et Jennifer y assistent à dos de chameau. Si l’Australie est connue pour ses wallabies et ses kangourous, 450 000 chameaux sauvages errent dans le pays. Amenés par l’homme au début du siècle dernier, ils peuplent désormais le bush. Attirés par l’eau des cattle farms, ils ne sont guère appréciés des fermiers. Certains, sauvés de l’abattage, distraient désormais les touristes au moment du coucher du soleil, offrant ainsi une incroyable image de carte postale ! Chez les chameaux aussi il y a une hiérarchie. Jennifer prise de pitié a choisi de s'asseoir sur le pestiféré de la bande. Mal lui en a pris ! Maltraité par ces congénères l'animal se venge sur les humains offrant ainsi quelques frayeurs en plus du magnifique coucher de soleil !