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ON THE ROAD AGAIN



Jennifer a du mal à retenir une petite larme. Broome n’est pas la plus belle ville du monde, elle n’est pas non plus la plus belle d’Australie ou même du Western Australia, mais la vie n’y était pas désagréable. Après six semaines, il est temps de dire au revoir et de reprendre la route. Pour son dernier jour au Roey, tout le monde a l’air triste, ses patrons, ses clients, ses collègues... Et elle aussi est triste. Pourtant, on ne peut pas dire qu’elle aimait franchement l’endroit. Venir y travailler tous les jours avec des jeunes filles servant des bières à moitié nues commençait même sincèrement à la déprimer (sans même parler des concours de tee-shirt mouillé). Mais elle y avait ses petites habitudes. Et finalement, ça ne lui déplaisait pas d’entendre les habitués lui raconter leurs histoires...


En fait, Broome va même lui manquer un peu. La plage bien sûr, les couchers de soleil. Ses collocs, Alexis et Amandine, avec qui ils viennent de passer deux mois ! Ses nouveaux amis, Steeve, André, mais aussi ses collègues, Cat, Anaïs... Les animaux aussi vont lui manquer. Parce que Broome, c’est la ville des animaux. Les oiseaux d’abord, entre les kakatoes qui vous réveillent le matin par leurs cris infernaux et les rapaces qui survolent sans cesse la ville à la recherche de leurs proies. Les chiens ensuite. Ceux qui vous réveillent à 2 heures du matin par leurs aboiements et qui peuplent en grand nombre les trottoirs de la ville. Pas moyen de traverser une rue sans en voir un. À tel point que, même dans leur maison, des chiens montaient la garde. Et, enfin, les poules. C’était celles du voisin mais tous les jours, elles venaient, à heure fixe, leur rendre visite. Un poussin est même passé, un soir, pour manger quelque chose et dire au revoir !

Pour ne pas être trop triste et ne rien regretter, Jennifer veut être sûre d’avoir fait tout ce qu’il y avait à faire à Broome. En arrivant, il y a près de deux mois, elle avait noté en haut de sa « to do list » : « cinéma ». Apparemment, la ville possède le plus vieux cinéma en plein air du monde. Jennifer et Vincent n’ont pas vérifié l’information, mais y entrer c’est un peu comme remonter le temps. On n’y va pas pour voir un film, mais juste pour aller au cinéma. Au-dessus de l’écran, le ciel rougeoyant du début de soirée donne au cadre un air surréaliste. La caisse semble être la même qu’il y a un siècle. Les fauteuils ne sont pas des fauteuils, mais des transats pas forcément en bon état. Il n’y a guère que les avions qui viennent se poser sur la piste d’atterrissage de l’aéroport voisin pour vous rappeler que nous sommes bien au XXIe siècle.

Pour sa dernière semaine, Jennifer a eu de la chance. Elle a pu travailler tous les jours quand ses collègues n’enchaînaient pas plus de deux à trois jours. Une bonne chose avant de partir pour Darwin. D’autant que, pour une fois, Vincent a lui aussi ramené un peu d’argent. Avec Alexis et Amandine, ils ont ramassé des feuilles mortes pendant trois jours. C’est Steeve qui leur a proposé. Il y a trois semaines, ils avaient coupé des arbres dans une mangueraie. Il fallait donc la nettoyer. Ramasser des feuilles, ce n’est pas très compliqué (même si ça se corse un peu quand il s’agit de porter des sacs de près de 100 kilos). Mais en Australie, le ramassage s’accompagne souvent d’agréables rencontres avec la faune locale. Si les kangourous matinaux et les chouettes sont plutôt sympathiques, les serpents et gros lézards “blue tong”, peuvent être terrifiants. Cette dernière semaine est donc non seulement bien remplie mais elle permettra de voir la suite un peu plus sereinement au point de vue financier.

La veille du départ est aussi jour d’élection. Contrairement à la France, la campagne ne s’arrête pas. L’entrée des bureaux de vote ressemble plutôt à un espace de joute entre les deux principales forces. Le soir, en regardant les résultats, difficile de comprendre qui a gagné. Le Labor semble en bonne position sans pour autant réussir à rassembler une majorité. Les libéraux, eux, perdent énormément de sièges mais refusent d’acter leur défaite. Même en suivant consciencieusement la soirée, rien n’y fait ! Pour comprendre qui a gagné, il faudra attendre plusieurs jours encore !

Mais la route n’attend pas. Et dès le dimanche matin, Vincent et Jennifer repartent en voiture, sans savoir qui sera le prochain Premier ministre d’Australie. Reprendre la route est difficile. Il faut se réhabituer à se coucher avec le soleil, vers 18 heures. La sœur de Vincent arrivant dans la nuit de jeudi à vendredi, il leur faut rejoindre Darwin en 4 jours. La première journée de voiture n’est pas la plus longue. La route est belle, bordée d’impressionnants baobabs. Juste 400 km et une petite escale à Derby. Pour profiter une dernière fois du bord de mer avant Darwin et admirer le jumeau du cinéma de Broome (mais celui-là malheureusement désaffecté), et l’immense baobab qui, pendant longtemps, a servi de prison aux Aborigènes du coin. Reprendre la route, c’est aussi faire de nouvelles rencontres, comme ce couple anglo-américain qui, après un mois en auberge

de jeunesse (et donc en chambre commune), est impatient de rejoindre Darwin. Impatient, aussi, de se retrouver seul dans leur camping-car au point de faire profiter tout le camp de leurs ébats nocturnes...



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