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VOYAGE AU CENTRE DE L'AUSTRALIE




Les mots ont un sens. Si vous dites Uluru, vous ne dites pas Mont Olga. Et si vous dites Ayers Rock, c’est sans doute que vous êtes prêts à grimper sur de gros cailloux. Lise, Jenny et Vincent ont choisi de dire Uluru. Uluru, c’est le nom que les Aborigènes ont donné à cette énorme roche. Ayers Rock, c’est son nom australien (entendons, Australien blanc). Ça ne change pas grand-chose. Juste de la sémantique et beaucoup de symbolique aussi.

Pendant longtemps, les Aborigènes ont été exclus de la gestion du site. Depuis quelques années, ils cogèrent ce parc national et tentent, à travers lui, de faire découvrir leur culture aux touristes. Car pour eux, Uluru est une terre sacrée, l’équivalent d’une cathédrale ou d’une mosquée. Quand on entre dans une église, personne n’est choqué qu’on vous demande de vous découvrir. Quand on entre dans une mosquée, personne ne s’offusque de devoir se déchausser. Et ce, qu’on soit athée ou pratiquant.

Visiter Uluru, c’est obéir aussi à des règles. Sauf que les Aborigènes n’ont jamais dominé personne. Depuis l’arrivée des Occidentaux, c’est même tout le contraire qui se produit. Et pour ceux qui contrôlent le pays, le caillou n’a rien de sacré. Il ne se nomme pas Uluru et, comme tout sommet, il s’escalade. Car quand des Européens voient une montagne, c’est plus fort qu’eux ! il faut qu’ils grimpent dessus. Et tant pis si ça heurte ceux qui y vivent,

ceux qui en ont fait un lieu de vie, d’échanges et de transmission des savoirs. Car Uluru, c’est à la fois une école, une université, une cuisine et un garde-manger. Aujourd’hui, les rangers autochtones organisent des visites gratuites. Ils expliquent ce que ce caillou veut dire pour eux. Ce que cette grotte représente, ce que ce pli dans la roche raconte et ce que l’escalade signifie. Car grimper sur Uluru est désormais autorisé. Mais ici comme ailleurs, tout à un coût. L’entrée du parc est payante, 75% du prix revient au gouvernement fédéral qui ne veut pas voir diminuer ses recettes. Le gouvernement et les Aborigènes ont trouvé un accord. Quand le nombre de visiteurs escaladant le sommet sera passé sous la barre des 20 %, la montée sera alors interdite. En attendant, certains continuent de grimper, de laisser leurs bouteilles vides et leurs déchets au sommet. Et comme il n’y a pas de toilettes, certains y font leurs besoins. Et c’est bien dommage, car si l’eau qui coulait du sommet était auparavant potable, elle est désormais souillée des excréments déposés par des visiteurs indélicats.

Mais faire le voyage jusqu’à Uluru reste une expérience unique. Après de longues heures de voiture, un paysage incroyable aux couleurs féeriques se dévoile. Difficile d’y rester indifférent. Après deux jours passés sur place, Lise, Jennifer et Vincent peuvent en témoigner. Ils en oublieraient presque les nuits à grelotter sous la tente, les joies de cuisiner dans le noir et le prix exorbitant de l’essence. Pour tout dire, au moment de partir, ils auraient presque comme un pincement au cœur à l’idée de quitter sans doute à jamais cet endroit...


Mais le retour réserve d’autres surprises. Avant de repasser par Alice Spring, un passage par Kings Canyon s’impose. Après le spectacle époustouflant des immenses pierres rouges, vient celui des falaises de la même couleur. Les dix kilomètres de randonnée longeant le précipice et l’étroite rivière coulant en contrebas vous transportent sur une autre planète. Il faut dire que la saison est idéale. Certes, les nuits sont froides mais les mouches ont déserté les lieux et les températures en journée permettent d’enchaîner aisément les marches prévues pour des chaleurs accablantes.



En partant, pour éviter de reprendre deux fois la même route, Lise, Jenny et Vincent choisissent de prendre un raccourci pour rejoindre Alice Spring. Hélas ! Dans l’outback australien, la plupart des voies de circulation ne sont pas asphaltées et pour s’y aventurer mieux vaut être équipé d’un bon 4x4. Les 90 km de vibrations en alternant sable mou, gravier et terre rouge ont bien failli achever leur voiture. Mais, miraculeusement, après une conduite épique, Jennifer réussit à ramener tout le monde à bon port. L’histoire ne dira pas si, frustrée d’avoir si bien géré la “gravel road”, elle décida délibérément ou pas d’envoyer son véhicule contre un arbre lors d’une simple marche arrière à la sortie d’une road house,

histoire peut être d’en rajouter à la difficulté... Dommage, car depuis le choc, le voyant signalant l’ouverture d’une porte reste constamment allumé... Les randonnées terminées, les pistes traversées, la voiture ayant rencontré une de ses, désormais, traditionnelles difficultés, il faut songer à reprendre la route vers le nord, avant de bifurquer vers l’est pour rejoindre Cairns et la Grande Barrière de Corail. Les longues journées de voiture s’enchaînent, les termitières défilent dans le paysage avec, pour seules distractions, les arrêts dans les road houses. Ces habitations, construites au milieu de nulle part, avec essence et nourriture, offrent pour certaines le droit de planter gratuitement la tente dans leur backyard. Tous les 200 à 300 km, une nouvelle road house, néanmoins aucune ne se ressemble, elles ont toutes leur identité propre. Nos trois voyageurs aiment s’y arrêter pour boire un verre en fin de journée avant d’aller dormir. Dans ces oasis, seules les pétitions à l’entrée réclamant l’installation d’une antenne relais pour, enfin, obtenir la réception d’un signal téléphonique vous rappelle que vous êtes loin, très loin, de la civilisation...


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