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"LA GRANDE ROUTE DE L'OCÉAN"



Il fait grand soleil dehors mais le store est baissé. L’unique lampe, à la lumière orangée, qui pend du plafond confère une atmosphère surannée à cette toute petite pièce. Ici, le temps semble s’être figé il y a une trentaine d’années. Aux murs sont accrochées des photos en l’honneur des road trains, ces longs camions qui traversent le désert entre Adelaïde et Perth et qui font la fierté du South Australia. Vincent est assis au milieu de la pièce. En face de lui sont posés pêle-mêle des boîtes de conserve premier prix (beans1 et tomates), du café, un paquet de pâte, des corn-flakes. Dans un coin un frigo bien rempli, au milieu une petite table sur laquelle est posé un sac plein de guirlande de noël, à côté d’une lampe d’Aladin. Derrière la porte, on entend l’eau couler. Jennifer prend une douche. Contre 2 dollars, le seul pub du village leur permet de se laver. Il faut dire que cette douche est bienvenue. Quatre jours qu’ils sont sur la Great Ocean Road. Ils ont presque réussi à se laver tous les jours mais la veille fut leur premier jour sans. Entre la crème solaire, la sueur, le sable, on se sent très rapidement dégoûtant ! Et, quand en plus, on se fait attaquer par une armée de répugnants petits cafards volants, c’est à peine si on ne se répugne pas soi-même.

Un pub, une piscine municipale, des douches de plage, Vincent énumère dans sa tête tous les endroits où ils ont pu faire un brin de toilette. “On ne s’est pas trop mal d’emmerder jusque-là…” constate-t-il. “Mis a part hier soir, les choses se sont plutôt bien goupillées.” Hier soir, ils ont dormi aux abords du terrain de cricket de Tarpeena. Pour la première fois depuis leur départ de Melbourne, ils se sont retrouvés seuls… Il y avait bien une autre voiture, mais ses occupants ont déguerpi aussitôt la nuit tombée et les cafards arrivés. Deux jours plus tôt, pour leur dernière étape dans le Victoria, ils avaient dormi à Hawkesdale, dans un freecamp aménagé par la ville juste à côté de la piscine. Dommage pour les cafards… mais bon ils ne pouvaient pas savoir. Dommage aussi que, pour leur deuxième soirée de route, ils se soient retrouvés à cuisiner sous la pluie dans le camping surchargé de Lorne. Faire bouillir de l’eau avec un réchaud premier prix alors qu’il tombe des cordes n’est pas franchement évident… Heureusement, dès le lendemain sur le cap Otway, le ciel et la météo se sont montrés plus cléments.

Faire la Great Ocean Road est une aventure. Les paysages sont époustouflants et c’est aussi l’occasion de rencontrer de nombreux voyageurs. Après avoir évité les voies touristiques pendant leurs trois semaines en Tasmanie, Jennifer et Vincent ont pu se rendre compte que l’Australie attirait plus de visiteurs qu’ils ne le pensaient. Mais ceux-ci ne sont visibles que dans certains coins bien précis. Et à l’instar des kangourous, wallabies ou koalas, il faut connaître les endroits pour les apercevoir. Des hordes de touristes asiatiques qui apparaissent dès le portail matérialisant l’entrée de la Great Ocean Road franchi et qui disparaissent dés la fin de la route. En car, ou bien roulant à 40 km/heure en voiture, il n’y a pas un « look out » sans sa troupe de photographe. Une ambiance qui pourrait presque rappeler à Jennifer quand elle était payée à photographier les voyageurs en haut de la Tour Montparnasse. Mais les touristes asiatiques ne fréquentent pas les campings gratuits auxquels Vincent et Jenny sont abonnés. Ainsi, ils disparaissent la nuit venue.

Dans ces campings, on rencontre pas mal de Français, des backpackers mais aussi des familles. Ces arrêts sont surtout l’occasion d’échanger et de se rencontrer. Ceux qui descendent vers Melbourne, et ceux qui montent vers Adelaïde. Le profil des backpackers varie autant que leur nationalité. Il y a ceux qui voyagent en couple, ceux qui voyagent seuls et, qui ne supportant plus la solitude, se retrouvent en groupe. A cap Otaway, Vincent et Jennifer ont vu débarquer un groupe de 8 personnes, composé d’Allemands, d’Américain, d’Anglais et d’Italiens. Tous ayant décidé de découvrir seul l’Australie mais qui, face à la froideur des auberges de jeunesse de Perth, ont préféré unir leurs forces pour affronter la longue route dans le désert. Il en va de même pour ce binôme franco-anglais coincé à Hawksdale à cause d’une consommation excessive de « goone »2 la veille. Ils se sont rencontrés à Sidney et ont acheté une vieille voiture à 1 500 dollars pour aller jusqu’à Uluru. La voiture a un peu de mal en côte mais jusque-là, elle tient plutôt bien. Eux avaient vu large ! Ils se sont donnés un mois et demi pour parcourir la Great Ocean Road… Cinq jours après le départ, ils en ont déjà fait le tour.

Apres l’expérience des cafards, Jennifer et Vincent choisissent de ne plus camper dans les villages et, pour leur dernière nuit sur la route, ce n’est pas des backpakers qui leur tiendront compagnie. Ils optent pour un emplacement au bord du lac d’Alexandra à 1h45 de leur destination : Adelaïde. Ils n’ont aucune idée de ce qu’ils feront dans cette ville, où ils dormiront, s’ils arriveront à y trouver du travail ou pas. Avant ça une dernière nuit sur la route. Mais en arrivant sur les lieux, ils découvrent que leur emplacement est le coin préféré d’un groupe de Serbes pour leur week-end de pêche. Ivres du lever du soleil, le samedi matin, jusqu’au couché du soleil, le dimanche soir, la joyeuse bande offre poissons, bière et autre saucissons serbes aux deux jeunes voyageurs.


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